In 1867, Canada was carefully named a dominion, a designation borrowed from Psalm 72 of the Bible: ‘He shall have dominion also from sea to sea, and from the river unto the ends of the Earth.’ From the beginning – the name Canada was born from the Huron-Iroquois word kanata – dominion was linked to the land, languages and lives of Indigenous peoples.1
The land has sixty unique Indigenous language dialects, and, according to census data, more than two hundred languages reported as a mother tongue or home language.
In the country’s Northwest Territories, there are eleven official languages, including French, Tłı̨chǫ and Inuktitut. Canada attained full sovereignty from the British Parliament in 1982, but it is a 150-year-old nation state that has been peopled for at least 14,000 years.2
When we took on the task of guest-editing this issue of Granta, we opened the call for submissions as widely as we could. Our only parameter: What is being imagined here, now? Within a few weeks, we received over a thousand pieces of prose and poetry in French and English. We read everything. For months we floated at sea, trying to understand what had been gathered.3
Language becomes its own landscape in this issue of Granta. Language falls apart, twists, reformulates, shatters and revives itself.4 Animal and self, unfinished history, land and waterways, colonization and dispossession, settlement and refuge – all these nouns are part of the truth of this place.5 Here, like everywhere, there will be no cohesive mythology, no finality to what can be seen; on the contrary, in reading these thousand pieces, I experienced a combative and polyphonic understanding of ourselves, a complexity that carries force. ‘There was no inquiry,’ writes Alex Leslie, ‘because nobody knew where they were going or what was going to happen or how long it would take. It’s a simple story.’ Benoit Jutras gives thanks ‘because the floor in my room hid a lagoon’. Naomi Fontaine, who lives between Innu-aimun and French, tells us, ‘Language is a risk that a nation takes.’
We wanted more than we could include here; some pieces we dearly hoped would form the heart of this issue could not, in the end, be written or completed. I think this speaks to our charged historical moment, and to a nation state that is troubled by itself. Moreover, what unsettles the world must also unsettle Canada – a post-colonial country whose cities are among the most ethnically diverse on the planet, and where the rate of environmental change has pitched us all into unknown territory. We are a people who remember and forget simultaneously, slowly learning to share a land that persistently eludes a single language.
Madeleine Thien
Il est difficile au Québec de prononcer le mot Canada sans éprouver le sentiment d’une certaine friction. Le mot est pourtant si rond, si lisse au toucher, comme un cube de glace.6 C’est d’ailleurs la perception que bien des francophones, surtout quand ils sont assis au cœur de la province, de ses discours et de ses événements, ont de la culture anglo-canadienne. C’est aussi le préjugé auquel j’ai adhéré à une certaine époque. Les grands espaces enneigés. Le silence. Le vent sur la plaine. Une littérature du gris et du non-dit. Aux antipodes de la fête orageuse née dans la marmite québécoise à la fin des années soixante.
Depuis, bien des auteurs canadiens-anglais ont fait vaciller mes idées reçues, mais rien n’aurait pu les anéantir avec plus de vigueur que l’expérience de plonger dans les quelque mille textes soumis à Granta. J’y ai découvert non seulement des forces éclatées et une nouvelle idée du sublime, mais surtout l’écho de cette friction qui habite chacun de mes regards sur ce pays.7 Les anglos (j’inclurai dans ce terme tous ceux qui choisissent de s’exprimer dans cette langue, toutes origines confondues) se sentent finalement aussi mal à l’aise, à l’étroit, dérangés à l’intérieur du concept du Canada que les francophones. Eux aussi poussent sur les parois de la sphère, eux aussi ragent, s’inquiètent, essaient, déplacent, planent, bandent et fracassent.
Parmi les textes français, ce sont les voix les plus discordantes que, sans les chercher, j’ai d’instinct voulu suivre; celles qui parlent depuis l’extérieur, depuis la marge, celles qui érodent le centre immuable qu’on veut nous imposer pour y infiltrer rêve, colère et beauté.8 C’est dans cette abrasion, dans ces explorations, dans les rires jaunes et l’éclatement que je suis parvenue à sentir qu’il était bel et bien possible de dire quelque chose de vrai sur la littérature d’ici.
Cette sélection de textes se situe là où les langues, les passés, les blessures se rencontrent, là où la dissonance se fait révélation. Et ce carrefour recèle aussi une route invisible: celle qui mène à toutes les œuvres que nous n’avons pas pu inclure. Pour un auteur, être responsable du sort du travail des autres peut devenir un véritable supplice, sans doute parce que les fragilités,9 le courage et l’adresse qui surnagent ou se tapissent dans chaque texte nous demeurent toujours apparents. Nous aurions pu publier une dizaine de versions différentes de ce numéro de Granta. Je crois que ces absents continuent de résonner avec la même force que ceux que nous avons retenus. Ils retentissent et habitent le reste comme une idée fixe, une image en négatif. Comme les mots habitent le réel; comme les histoires habitent un pays.
Catherine Leroux
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1C’est fascinant de lire la liste des noms qui auraient pu être, tantôt très prosaïques (comme ‘Efisga’, acronyme de English, French, Irish, Scottish, German, Aboriginal), tantôt lyriques (comme ‘Borealia’, ‘Vesperia’, même ‘Ursalia’ qui signifie ‘Terre des ours’). Une foule d’ursidés traversent d’ailleurs les textes qu’on nous a soumis. Encore aujourd’hui, l’ours règne sur notre imaginaire.
2Et qui est le théâtre d’entreprises coloniales depuis plus de 480 ans.
3En mer, sur terre, sous terre, dans le désert, en banlieue, au ciel, prises dans les glaces, tapies dans la forêt . . .
4‘The white blood of language’, écrivait France Daigle dans une version antérieure de son texte. Cinq mots qui disent tout sur ce fluide vital qui parfois nous échappe et nous laisse exsangues.
5Et il n’y avait que Margaret Atwood pour ajouter à cette énumération les mots ‘craton, molten blob of lava et Amanita muscaria’.
6So true. As soon as you try to hold the word it changes form.
7The divide – or union – between thought and feeling is imagined in remarkably different ways by both the French- and English-language writers. And maybe this is why, in translation to English, certain things (for instance verb tenses, poetics and the folding of time-space), seem to defy English even as they read ingeniously in English.
8I’ve been thinking through two thoughts by Nicholas Ostler: that a specific language allows us ‘to stand on the shoulders of so much ancestral thought and feeling’ and that ‘to tell the story is not always to understand it’.
9Krista Foss writes, ‘What happened exactly? A convergence of elements we thought we understood: rain, wind and snow’.
Read the reciprocal translation of this introduction here.
All work in translation is available to read on Granta.com in the original French.